Les conduites en bois : une chose du passé ?
Dans les collections du C.I.EAU, nous retrouvons plusieurs conduites d’aqueduc. Des tuyaux de différentes tailles, formes et matériaux différents : bois, acier, fonte, polymères de vinyle comme le PVC, béton armé… Le réflexe est d’imaginer une progression linéaire évolutive : le métal est plus solide, donc meilleur que le bois ? Les polymères apparaissent plus tard, donc sont automatiquement meilleurs ? Ce n’est pas tout à fait le cas : le métal n’est pas nécessairement plus avantageux que le bois; le béton coûte très cher. Les conduites de bois en douelles (ou pipelines) sont le produit d’une ingéniosité remarquable pour les besoins d’une Amérique en grand développement au début du 20e siècle. D’ailleurs les conduites en douelles se prouvent encore efficaces de nos jours pour l’irrigation ou les stations hydroélectriques.
Pour la ville minière mono-industrielle en rapide développement de Belleterre en Abitibi, il n’est pas surprenant que les travailleurs aient priorisé les conduites en douelles pour leur système d’aqueduc et d’égout. Ce type de conduite s’était prouvé particulièrement efficace pour les chantiers en région éloignée pour toute l’Amérique du Nord avec un coût d’installation modique par sa simplicité. Avec la mine d’or et d’argent officiellement en opération en 1935, nous pouvons estimer la date de fabrication de notre conduite en douelle à approximativement 1930.
On remarque quelques éléments sur cette photo: la conduite de bois est constituée de plusieurs planches séparées par une jointure tel un tonneau, ce sont les douelles. Des tiges d’acier sont enroulées autour de la conduite comme des rivets (les fixations en métal) d’un même tonneau. Finalement, il est recouvert d’un revêtement en bois, probablement en raison d’un enfouissement. En fait, il s’agit malheureusement du grand défaut de ce type de conduite. Ces revêtements sont rarement naturels. Une fois enfouis, ils ont un impact sur la qualité des sols. Il existe toutefois des revêtements naturels et éco-responsables.
Voici également une conduite faite de bois, plus précisément le pin rouge du Québec. Celle-ci provient de Saint-André de Kamouraska. On remarque que c’est le tronc qui est directement travaillé, troué pour en faire une conduite. Sans la force du métal, cette conduite doit se limiter à une petite pression d’eau.
Combiner la force du métal et les qualités uniques du bois
En 1911, la Redwood Manufacturers Company aux États-Unis argumente sur la qualité des pipelines en bois en opposition aux conduites de fonte ou d’acier. Une conduite doit faire deux choses : être étanche, et résister à la pression. La compagnie est d’accord que le métal est plus résistant que le bois, toutefois, le problème de la fonte et de l’acier c’est la corrosion. C’est comme si l’eau grugeait des trous dans la conduite : la conduite a beau être toujours aussi résistante à la pression qu’elle le souhaite, si elle coule, elle n’est pas fonctionnelle. L’astuce est donc de combiner l’étanchéité du bois et la résistance du métal dans une seule conduite. Le renforcement d’acier renforce le bois contre la force de la pression et le bois qui ne rouille pas garde la conduite étanche (le bois ne moisit pas si le contact avec l’eau est en continu). Sur le continent nord-américain, le cèdre rouge et le douglas vert sont les meilleures essences de bois pour ce type de conduites.
En guise d’illustration, voici la conduite pipeline en douelle pour un projet d’irrigation à Yakima dans l’État de Washington en 1905.